Printemps de la philosophie Initiation en 1ères L

(actualisé le )

11 mai 2012 Arbre

Que veut dire pratiquer un art ?

**Objectifs

« Bien loin de s’effrayer ou de rougir même du nom de philosophe, il n’y a personne au monde qui ne dût avoir une forte teinture de philosophie ; elle convient à tout le monde ; la pratique en est utile à tous les âges, à tous les sexes et à toutes les conditions : elle nous console du bonheur d’autrui, des indignes préférences, des mauvais succès, du déclin de nos forces ou de notre beauté ; elle nous arme contre la pauvreté, la vieillesse, la maladie et la mort, contre les sots et les mauvais railleurs ; elle nous fait vivre sans une femme, ou nous fait supporter celle avec qui nous vivons ! »

(Jean de LA BRUYÈRE, Les Caractères, in Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, nrf Gallimard 1951, p.335 XII § 132)

Donner sens par rapport au statut, une place aux enseignements dispensés, dans l’échiquier des disciplines.

Faire pousser un arbre de connaissances, (lycée vert oblige !) avec les élèves en les invitant à construire et organiser leurs savoirs étape après étape, tous ensemble, ce qui devrait à terme leur permettre de percevoir de l’unité dans les savoirs, tout en développant le sens de la rigueur intellectuelle. »

**Contenu

« À ce stade du parcours des élèves, cette première approche de la démarche philosophique n’a pas pour but de transmettre un corpus philosophique aux lycéens, mais de les entraîner progressivement à construire une réflexion rigoureuse.(BO)

En aucune manière, il s’agira de faire un cours magistral, mais bien au contraire de laisser la parole circuler entre les élèves, de dialoguer avec la classe, d’inviter les élèves à mieux formuler leurs interrogations, à organiser leurs savoirs, à les remettre en question aussi parfois, à prendre un recul critique par rapport à certaines de leurs certitudes, à leur montrer que la manière dont est traitée une question dans une discipline donnée n’est qu’une parmi d’autres possibles, que l’on peut parler d’un même problème autrement, que l’ouverture d’esprit est nécessaire à tout discours.

En un mot, il s’agira d’effectuer un travail de variation eidétique :

Sans doute le créateur, l’artiste, crée-t-il en vue de créer une œuvre indépendante de lui. En ce sens le contre-exemple que constitue le Pygmalion de Rousseau appellera la violente critique de Goethe, qui dénonce « la fausse ambition de faire en sorte que l’Art se résorbe dans la Nature » : « Nous voyons un artiste qui a accompli ce qu’il y a de plus parfait et qui, ayant projeté hors de lui-même son idée […] n’y trouve pourtant pas la satisfaction […] ce que l’esprit et l’action ont produit de plus haut, il veut le détruire par l’acte de sensualité le plus vulgaire »). Mais l’acte de créer, s’il est bien transitif comme l’acte de produire, se distingue de ce dernier en ce qu’il revendique, pour lui-même, une radicale nouveauté, une originalité fondamentale.

Il faut toujours avoir en vue, quand on utilise le mot de création à propos de l’art, le travail brut de l’artiste dans sa matérialité, le « métier ». Mais rien ne va plus si l’on entend en faire le critère social de distinction de l’ait par opposition à l’artisanat ou aux autres activités de l’esprit. Nietzsche (1844-1900) pensait que l’activité du génie ne lui semblait en rien différente de l’inventeur en mécanique. « Le génie, disait-il, ne fait rien d’autre que d’apprendre d’abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme. » (Humain, trop humain). Surtout, on se condamne alors à se faire une fausse représentation de l’artiste comme producteur d’objets sacrés, et de l’œuvre d’art comme fétiche. C’est en fait tout le contraire : l’œuvre est d’autant plus sacralisée et fétichisée qu’elle est moins consistante, qu’il y a moins de création et de travail en elle. La conception spiritualiste de la création trouve d’une certaine manière sa vérité dérisoire dans l’acte d’un Marcel Duchamp exposant une roue de bicyclette, ou d’un Andy Warhol signant des boîtes de conserve ; la spiritualité sombre dans la spéculation. La fausse création aussi se moque de la création. Notre siècle l’a hélas consacrée.

**Problématiser

« À ce stade du parcours des élèves, cette première approche de la démarche philosophique n’a pas pour but de transmettre un corpus philosophique aux lycéens, mais de les entraîner progressivement à construire une réflexion rigoureuse. Cette démarche apporte sa contribution aux grands objectifs assignés au lycée ; elle aide notamment les élèves à gagner en autonomie et elle favorise une orientation personnelle et réfléchie. » (BO)

Cahier d’élève

Il ne saurait être question bien entendu de fournir aux élèves des prérequis pour la classe terminale, mais bien de les inviter à problématiser, à partir du cours qui aura été dispensé par le collègue. On pourrait amener les élèves à se poser les questions suivantes :

Le sujet nous invite, par sa formulation même, à réfléchir sur un concept : celui de création. En même temps, il spécifie le domaine dans lequel on l’utilise : l’activité artistique. La tâche revient donc à analyser la pratique artistique dans le but d’y repérer ce qu’il y a en elle qui mérite d’être appelé création. Pour cela, nous prendrons des exemples d’activités artistiques que les élèves connaissent ou pratiquent eux-mêmes.

Comme souvent, le sens d’une notion apparaît bien mieux par contraste avec une autre. Sans pouvoir encore très bien caractériser l’activité artistique, il est aisé de voir qu’elle se différencie du travail de l’ouvrier, mais aussi de celui de l’artisan. Il est vrai que les frontières de l’art et de l’artisanat sont moins nettes à établir, mais on devrait néanmoins pouvoir parvenir à distinguer création et fabrication. Quant à la notion de création, elle désigne plusieurs choses : l’activité même de l’artiste, le geste créateur du peintre, par exemple ; employée après un article indéfini, une création se dit aussi de l’œuvre résultant de cette activité. La création s’oppose alors autant au travail pur et simple, ou à la production, qu’à un simple produit. La problématique peut consister ici à se conformer à la consigne de l’énoncé : rendre compte du mot création utilisé à propos de l’activité artistique ; cerner en quoi consiste cette dernière. Mais il faut aller plus loin, en se demandant, par exemple, si c’est à juste titre que l’on parle de création en art. Ne pourrait-on pas parler simplement du travail de l’artiste ? Inversement, n’y a-t-il aucun élément de création dans le travail non artistique ? Toute entreprise de définition comporte en effet le risque de redessiner les frontières préétablies, comme celles qui séparent l’art et l’artisanat.

La création est surgissement. Elle est aurore, naissance, commencement sans précédent. Elle arrache l’être au néant. Comme le disait très joliment Gaston Bachelard, « Le poète parle au seuil de l’être » (La Poétique de l’espace). Seul parmi les hommes, l’artiste s’égale à Dieu ; lui ne crée pas la matière, mais des formes. Mais au fait, pourquoi parle-t-on de « création » à propos de l’activité artistique ?

11 mai 2012

Pour répondre à cette question, nous devrons au préalable tenter de définir le type d’activité de l’artiste par opposition au travail en général. Se distingue-t-elle en tant qu’activité, ou bien par la nature des produits qu’elle fabrique, ou encore par les deux ? D’autre part, en va-t-il du mot « création » comme d’une appellation contrôlée sur laquelle veilleraient jalousement les professions artistiques ? N’y aurait-il aucun élément de création dans les productions non artistiques ?

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